LA THERAPIE PSYCHO-CORPORELLE (TPC) – Historique et Définition
Texte établi par le Dr. Lucien GAMBA
Président de l’ASTPC
Actualisé le 30 septembre 2017
1. L’Historique de la TPC
Depuis la nuit des temps, sur les cinq continents, l’homme a cherché à se traiter et à maintenir sa santé par le vécu de son corps. Ainsi en est-il des transes chamaniques, probablement les plus anciennes connues, mais aussi de la macumba, du vaudou, du condomblé, des derviches tourneurs et des danses psalmodiées…
En Orient, issues de la pensée védique, les méditations (avec ou sans mouvement) du zen, du bouddhisme et du yoga… mobilisent d’abord le corps pour retrouver la santé qui est, pour eux, de dimension spirituelle, en lien avec un « absolu », un « essentiel en Soi ».
L’Europe a elle aussi subi l’influence de ces mouvements ; les pratiques grecques et égyptiennes y laissèrent les traces les plus profondes, promouvant la thérapie intégrative psycho et somatique. A noter que dans l’Antiquité ce sont des prêtres-médecins qui animaient ces actes thérapeutiques ; il leur était évident que la santé procédait du somatique vers la rééquilibration globale des individus, psychique et somatique, en référence aux processus « fondamentaux » qui régissent la vie.
Au 15ème siècle, Paracelse, en précurseur du magnétisme animal (développé ultérieurement par le phénoménologue Hegel), cherche à guérir ses patients par une action sur leur corps, en les « plongeant » dans un champ magnétique et les accompagnant par la suggestion. Deux siècles plus tard, Mesmer fera rebondir cette méthode en insistant encore plus fortement sur la suggestion, approche qui est considérée comme à l’origine de l’hypnose et c’est grâce à elle que Freud eut l’idée de l’inconscient et créait la psychanalyse. Celle-ci rebondissait à son tour vers une prédominance du corps grâce à Reich (végétothérapie), puis à Lowen (bioénergie) et à plusieurs pratiques issues de ces deux approches, encore très présentes dans l’éventail des thérapies psycho-corporelles actuelles.
L’hypnose évoluait, elle aussi, vers des pratiques plus corporalisées, dont le training autogène (Schulz), les thérapies de méditation et de relaxation (dont la relaxation psychotonique de De Ajuriaguerra qui donnera naissance à la psychomotricité).
De son côté Caycedo, partant lui aussi de l’hypnose, cherchait à rapprocher l’Orient de l’Occident, en créant la sophrologie, qui se développera en diverses sensibilités, toutes très corporalisées.
Bien que son approche ne procède pas du corps en premier lieu, on ne peut pas ne pas évoquer Jung qui, en référence au chamanisme, à l’Orient, a apporté le concept du « Soi » (ce qui est « l’Essentiel pour Soi », « en Soi »), des archétypes (ressources inconscientes, certes craintes, mais réalisatrices de Soi) et une typologie intégrative (sens, sentiments, pensée, intuition vers la « Ganzheit »). Les approches thérapeutiques telles que l’art-thérapie, l’eutonie, etc… ont été créées avec ce même souci de mettre le corps en première ligne de la rééquilibration psychosomatique.
2. La spécificité de la TPC
La spécificité de la TPC est qu’elle donne d’abord la parole au corps du patient (corps vécu, mais aussi corps soumis à l’observation de l’autre), lui permettant de retrouver les mécanismes d’autoéquilibration révélés par la « cybernétique », la science de la physiologie de tout ce qui est vie, dont le « levier opérateur » est l’homéostasie ; c’est cette référence somatique et psychique qui a constitué, durant sa phase pré-verbale, ses seuls « outils » régulateurs pour réagir aux événements, et cela en s’appuyant sur ses ressentis, auxquels il répondait de façon binaire : c’était « OK » ou « non OK » selon le degré d’adéquation de son vécu à ce qu’il « savait être l’essentiel existentiel pour lui-soi ».
L’application durant toute la vie de ces mécanismes innés permet de réguler aussi bien ses organes que ses comportements et donne à l’individu, à tout instant, toutes les indications nécessaires à restituer son équilibre par le jeu réflexe homéostatique (qui s’effectue sans véritable dimension mentale à cette étape où le corps répond en « tout ou rien » !)
Sachant que le vécu présent réactive toujours des réminiscences passées, le thérapeute TPC incite son patient, dans le plus pur esprit phénoménologique, à ressentir l’évènement en situation thérapeutique par ses seules sensations et en vécu de ses émotions, en essayant d’exclure le plus longtemps possible toute mentalisation, « comme si c’était la première fois » que cette sensation était vécue, sans a priori, lui donnant alors l’opportunité de « réévaluer » l’événement et de « redécider » de la meilleure stratégie possible à adopter, dans cette situation-là, pour sauvegarder « l’Essentiel de Soi ».
Ce n’est qu’ultérieurement que l’éventuel travail de mentalisation se fera (comme il peut aussi ne pas être nécessaire) selon les diverses procédures spécifiques à la TPC concernée.
3. Ma trajectoire dans la promotion « cybernétique » de « La TPC »
Le concept de « La Thérapie Psycho-Corporelle » et l’idée de l’ASTPC remontent pour moi à près de 40 ans. À l’époque de ma formation hospitalière comme médecin interniste et immuno-allergologue, j’ai eu la chance d’être sensibilisé au vécu du « corps-émotion » grâce au professeur de Ajuriaguerra (relaxation psychotonique, puis psychothérapie de relaxation), parallèlement à la pratique du training autogène (Schultz) ; très vite dès mon installation en 1978, j’ai compris mon handicap à n’avoir reçu des cours dans mes deux spécialités que dans un abord somatique des patients. Fort de mes expériences « Ajuriaguerrennes » préalables, je me suis d’abord tourné vers l’hypnose et la sophrologie (Caycedo et Hubert), puis vers la bioénergie (Lowen) pour m’ouvrir à la dimension psychosomatique de mon activité médicale, créant en 1980 l’école de Sophro bio dynamique de Genève (ESG) dans le but de permettre aux somaticiens d’acquérir un outil thérapeutique favorisant l’autoéquilibration de leurs patients par le vécu du « corps-émotion », prémisse de la future Thérapie Psycho Corporelle.
Il y a un peu plus de 20 ans, j’ai eu la chance de rencontrer à plusieurs reprises le professeur Eric Schwartz, tenant de la chaire de « physique cybernétique » de l’université de Neuchâtel ; ces rencontres constituèrent pour moi un tournant dans mes recherches concernant l’intégration physiologique psycho et somatique des processus de vie.
Parallèlement, je me voyais mandaté par la section romande de l’Académie Suisse pour la Médecine Psychosomatique et Psychosociale – ASMPP (Drs Pierre Loeb, Marc Archinard et Patrice Guex) pour inclure les approches psycho-corporelles (théorie et pratique) dans l’enseignement des médecins désireux d’acquérir une dimension psychosomatique dans leur pratique. Pour cela, j’ai multiplié les contacts avec des thérapeutes très impliqués à promouvoir le corps dans leurs thérapies, et il me fut vite évident que toutes ces approches relevaient d’un même levier thérapeutique : pour chacun d’eux, les vécus simultanés du corps et des émotions se retrouvaient en première ligne de leurs actions rééquilibratrices, dimension que je savais désormais exister « quelque part » dans l’espace cybernétique et de son principe opérant, l’« homéostasie ».
Mes rencontres avec Michel Heller (thérapeute en psychologie biodynamique – Boyesen), lui aussi très engagé dans la réflexion et la promotion des thérapies intégratives « psycho et corporelle » (au CHUV) puis avec le Dr André Stark (psychiatre-psychothérapeute privilégiant le corps dans ses prises en charges psychothérapeutiques), m’ont poussé à mettre sur pied un groupe de réflexion accueillant des praticiens du plus grand nombre de ces approches à médiation corporelle, pour en approfondir la compréhension à tous niveaux (similitudes, différences, spécificité…).
Ces réunions régulières ont pu aussi compter sur l’enthousiasme de thérapeutes très actifs dans cette recherche, dont Nicole Reverdin † (psychothérapie de relaxation de De Ajuriaguerra), Pierre Jaquet (bioénergie), Serge Ventura (musicothérapie), Jean Frédéric Motchane (psychomotricité), ces deux derniers étant encore très actifs au sein de l’actuel comité de l’ASTPC…
Ça n’est qu’au début des années 2000 que je leur proposai de créer l’ASTPC, dans l’optique de promouvoir l’« approche psycho corporelle » comme entité thérapeutique à part entière, étant finalement convaincu du lien entre les lois de la cybernétique (physique des systèmes) et le processus physiologique autoéquilibrateur des thérapies intégratives du psychique et du somatique pour lesquels, dans les réunions de la future ASTPC, l’appellation « LaThérapie Psycho Corporelle » (TPC) allait être choisie.
4. La cybernétique « aux fondements » de la TPC avec l’« Insula » comme centre névralgique
La cybernétique, science de tous les « systèmes » vivants, considère que le mécanisme équilibrateur de tout ce qui vit est l’« homéostasie ».
Pour l’être humain, le processus homéostatique est double : face aux événements, il concerne d’une part le fonctionnement de ses organes et d’autre part ses comportements dont la neurophysiologie actuelle nous rappelle qu’elles sont indissociables et qu’elles sont mémorisées par le processus de la plasticité
neuronale. Ce double jeu homéostatique lui donne les moyens, s’il les applique adéquatement, de privilégier les stratégies qui respectent ce qui est l’« Essentiel pour Soi », à savoir ce qui est le sens profond de sa vie et la meilleure manière de se réaliser en le meilleur équilibre possible du système de
vie qu’il constitue.
Le centre intégrateur et régulateur (avec ses mécanismes auto-équilibrateurs) de ces deux systèmes homéostatiques se trouve au niveau du sillon cérébral latéral, au contact des lobes fronto-parieto-temporaux, en une zone appelée « Insula », dont la physiologie complexe a été rendue accessible à tout un chacun, entre autres, par les écrits conjoints des professeurs Magistretti et Ansermet (en particulier dans leur ouvrage commun : « L’énigme du plaisir »).
Pour comprendre ce processus « fondamental » à l’équilibration de la vie, à la base du concept de La Thérapie Psycho-Corporelle, il faut revenir à des notions de physiologie élémentaire.
Selon la cybernétique, tout système vivant est en équilibre instable ; l’homéostasie permet qu’à toute force déstabilisante réponde une force de ré-action, opposée et directement proportionnelle à la première…qui rétablit l’équilibre.

Sur le plan organique (intéroception)

Sur le plan comportemental (extéroception)
L’homéostasie concernant les organes (intéroception), procède d’une régulation à la fois neurovégétative (par l’équilibration sympathique – parasympathique) et humorale (par le jeu du feed-back hormonal de l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien).
Son centre intégrateur se situe au niveau postérieur de l’Insula et son jeu d’auto-équilibration n’est en général pas perçu par le conscient du patient, sauf dans les situations de « détresse » organique. Ce qui y est vécu n’en est pas moins enregistré, de sorte que l’on peut dire que notre cerveau mémorise tous
ces mécanismes d’instabilités et de rééquilibrations organiques de façon inconscience et qu’il est donc capable, à tout instant, de s’en « souvenir » en une expression physiologico-organique « réactivée » à l’occasion d’un évènement de « même » nature, le plus souvent « inconsciemment ».
Dans la partie antérieure de cette Insula existe un relais identique mais qui, lui, analyse et enregistre les évènements vécus par le sujet (extéroception) ; ce centre lui fournit aussi toutes les informations nécessaires à lui faire adopter les bons choix pour mener sa vie adéquatement vers son « Essentiel pour Soi », vers le meilleur équilibre possible et la plus complète « réalisation de soi » possible.
Face à tout événement, notre cerveau en enregistre toutes les dimensions constitutives, tout d’abord par nos sens, information rapidement complétée par une dimension cognitive, et c’est le produit de l’enregistrement sensoriel et de l’activation cognitive qui, en référence à la dimension innée du « sentiment de Soi » (équivalent de l’« Essentiel pour Soi ») va produire l’émotion, indicatrice consciente du degré d’adéquation de cet événement en fonction de ce qui est « Essentiel pour Soi ».
L’émotion qui constitue une sorte de « boussole existentielle » permet donc à l’individu d’évaluer « objectivement » l’événement lui donnant ainsi les indications nécessaires à ré-agir «adéquatement» pour maintenir son équilibre, indispensables à la réalisation « idéale » de Soi… ; schématiquement, la situation est vécue, comme à la période pré-verbale, en terme de « c’est OK ou non-OK », selon le degré d’adéquation à l’« Essentiel pour Soi ». Si le constat est non-OK, une action de rééquilibration devra s’ensuivre ! Mais cette étape est loin d’être simple à réaliser ; pour comprendre ce qui parfois empêche l’individu de prendre les bonnes décisions, il faut aller plus avant dans le déroulement de ce processus.
Grâce à la coordination de sa partie postérieure (organes) et antérieure (comportements), l’Insula fonctionne donc comme le centre névralgique de l’individu, dévolu à lui permettre, en fin de processus et de façon consciente cette fois, de prendre les bonnes décisions d’action pour se réaliser au mieux.
5. La plasticité neuronale pour un triple enregistrement de la vie
L’être humain prend donc « subjectivement » conscience de soi dans son environnement d’abord grâce à ses sens, puis par la cognition, vers enfin l’émotion, indicatrice de l’adéquation pour soi de l’événement. Ses neurones établissent entre eux de gigantesques réseaux interconnectés qui permettent de stocker de façon extrêmement détaillée toutes les informations liées au quotidien.
Toutes ces perceptions sont enregistrées dans des structures à complexité croissante, sur base de logique intégrative (par plasticité neuronale) pour finalement permettre à l’individu, au stade ultime de cette synthèse, de percevoir sa vie selon 3 modes : en vécus corporels (sens, posture, biologie …), cognitifs (compréhension, intellectualisation, prévision …) et émotionnels.
Nous avons vu que l’émotion n’est pas un phénomène « subi », mais qu’elle est, au contraire, le produit du vécu corporel et cognitif réunis, activement « créée » par l’individu dans un rôle d’indicateur de la qualité des vécus, distinguant ceux qui sont en adéquation avec l’« Essentiel pour Soi », qui génèrent des sentiments favorables, de ceux qui ne le sont pas et qui sont associés à des sentiments adverses.
Ce triple enregistrement (corporel, cognitif et émotionnel) s’effectue de façon continue et intéresse la totalité du cerveau qui est assimilable à un formidable ordinateur capable d’intégrer tous ces événements, qui progressivement constitueront la structure complexe psycho-somatique de l’individu dans toute sa subjectivité, son expérience.
6. Le présent réactive toujours le passé
Mais, les neurosciences nous ont aussi montré que l’événement présent qui s’enregistre aux 3 niveaux décrits, réactive simultanément dans sa mémoire existentielle tout ce qui a été précédemment enregistré lors d’événements analogues impliquant l’une ou l’autre de ces 3 dimensions (mais qui finalement se réactivent mutuellement en ces 3 dimensions inséparables) : en corporalité (sensorialité, réponses neuro-végétatives…), en capacité cognitive ou en émotion.
La célèbre « madeleine de Proust » est une illustration bien connue de ce type de revécu à l’occasion d’un événement présent. L’individu se trouve alors, pour cet événement « ré-évoqué », en situation de pouvoir lui ré-appliquer son processus « homéostasique » inné, de ré-évaluer l’ancien événement sur les plans organiques, psychique et comportemental, par la réponse émotionnelle (Ok ou non-Ok) qui lui indique, comme lors du vécu initial, les choix à faire pour être en adéquation avec son « Essentiel pour Soi ». A lui, dès lors, de décider (redécision) s’il veut, s’il peut… appliquer à cet ancien évènement, a posteriori, ce que son Insula lui avait proposé de réaliser pour rééquilibrer la situation vers l’essentiel pour soi et qu’il n’avait alors pas pu, pas voulu suivre, soumis à un conflit intérieur inextricable… D’ailleurs, très souvent dans son quotidien, l’individu cherche inconsciemment à occulter ce souvenir trop douloureux, sans néanmoins y parvenir complètement puisque l’évènement présent se voit, obligatoirement et toujours, réactiver ce passé correspondant.
Les raisons qui font qu’un individu n’applique pas ce que son savoir de l’« Essentiel pour Soi » lui indique, par l’Insula, d’entreprendre sont très souvent en lien avec les événements du début de sa vie, qui le mettent dans un conflit de loyauté majeur et/ou le confrontent à un deuil qu’il lui est impossible de
contourner, ni d’intégrer à ce moment-là de sa vie.
S’il fait, plus tard, le choix de la « redécision », alors grâce à la plasticité neuronale il va remodeler les circuits cérébraux initialement impliqués dans l’ancien événement vers une « configuration » de l’empreinte interneuronale, moins, voire plus du tout discordante de l’« Essentiel pour Soi ».
7. Les impasses précoces et la thérapie pour les dépasser
Tout individu sait que dès le début de sa vie, chaque fois qu’il est confronté à une situation qui n’est pas en adéquation avec l’« Essentiel pour Soi », il vit une déstabilisation, une détresse (« dys-stress ») à laquelle il se devrait (dans le meilleur des scénario) de répondre par une « saine colère » (réponse émotionnelle pulsionnelle de refus archaïque, obligatoirement produite par l’individu quand il fait face à une impasse existentielle) ; cette « saine colère » constitue le nécessaire 1er stade du processus d’ajustement à cette situation inacceptable pour Soi ;toutefois la « saine colère » n’en reste pas moins, à ce stade-là, qu’une « démonstration d’impuissance », en soi inopérante.
Devrait, en effet, lui succéder une série d’actions qui font partie de ce que l’on appelle la « saine agressivité » (de « ad-gressere » : aller vers…), à savoir affronter la difficulté en tentant de la résoudre activement, en recherchant et négociant une solution qui soit en adéquation avec l’« Essentiel pour Soi ». En cas de réussite de ces démarches, le vécu est assimilé à un événement ressourçant ; en cas d’échec, l’individu doit alors renoncer à l’objet de son désir, en vivre le deuil, duquel il devra rebondir pour se retourner vers un « objet » de remplacement, s’il ne veut pas rester bloqué dans cet impasse.
Toutes ces étapes permettent, si elles sont adéquatement réalisées, un renforcement de l’estime de soi et de la confiance en soi du sujet ; si ces étapes ne sont pas réalisées, elles constituent un des éléments constitutif d’un état progressivement dépressif et d’une perte de l’estime de soi, car « je n’ai pas fait le choix de ce qui m’était nécessaire d’entreprendre pour me sauvegarder ».
C’est que certaines de ces situations sont particulièrement douloureuses à affronter, à un tel point insupportables et génératrices d’une telle colère (assimilée à une pulsion meurtrière), que le « sur-moi » les censure, ne laissant apparaître au conscient, que ce qu’il juge tolérable de se révéler à soi comme aux autres, l’« apparent » du sujet (la « persona » de Jung).
Sa pulsion homéostasique « physiologique » étant refoulée, il se met en déséquilibre durable, inducteur de pathologie (souffrances autant physiques que psychiques), avec son cortège de symptômes « fonctionnels » (psycho-somatiques) qui seront récurrents tant qu’une « redécision » n’aura permis une transformation des automatismes biologiques pathologiques initiaux.
En effet, même si le conscient s’arrange pour « oublier » l’insupportable, le triple processus de mémorisation somato-cognitivo-émotionnelle se poursuit sans cesse ; le sujet garde donc toujours « en sa conscience » la totalité de son histoire, de ses ressources comme de ses impasses, et en particulier de ses « détresses » et colères inhibées, enregistrées dans sa mémoire, qui continuent à se manifester par des dérèglements biologiques et comportementaux, ceci tant qu’elles n’auront pas été « renégociées » et réajustées, neurologiquement « modulées ».
Dès lors, il faudra bien, un jour, approcher ces blocages, si une action thérapeutique « fondamentale » est souhaitée pour se rapprocher toujours davantage de l’« Essentiel pour Soi ».
Toutes les thérapies ont pour but d’aider le patient à réaliser (mettre à son conscient) que ses pulsions primitives terrorisantes sont en réalité des ressources salvatrices qu’il doit accepter comme incontournables à l’équilibre physiologique de sa vie, pour l’aider, dans un second temps, à apprendre à les gérer ; ensuite, fort de ces puissants leviers de sauvegarde, la thérapie devra lui permettre de faire le deuil des situations sans issue, pour enfin rebondir vers des vécus de remplacements, avec l’aide du thérapeute ou sans lui ; dans les cas où cette catharsis ne s’avère pas réalisable, le sujet devra apprendre à vivre avec ce handicap comme étant désormais constitutif de soi.
8. La TPC, une invite répétée à retrouver ses mécanismes homéostatiques et les appliquer
L ’action du thérapeute psycho corporel est dans un premier temps celle de tous les thérapeutes, à savoir de d’abord recevoir, accueillir les « vécus » de son patient et de légitimer leur expression. Puis, quelle que soit sa technique, le thérapeute psycho-corporel informe son patient, de façon plus ou moins simplifiée, de ses processus innés d’autoéquilibration (ci-précédemment décrits) et l’invite à être toujours plus conscient de ses processus neurophysiologiques qui l’informent par son Insula des enjeux de l’événement vers des actions susceptibles de lui faire retrouver son équilibre homéostatique.
Pratiquement, après avoir initialement expliqué le concept cybernétique thérapeutique à son patient, le thérapeute lui propose à chaque séance de faire référence à ses processus pré-verbaux (sa seule ressource au début de sa vie) et ainsi de vivre, ici et maintenant, son corps et les émotions qu’il renferme (sa boussole existentielle), lui rappelant que ce qui « apparaît », l’éprouvé, émane directement de son histoire passée et présente. Cette étape, dite de « sensibilisation au corps-émotion », est présente au début de toutes les prises en charge TPC, elle en constitue d’ailleurs le fondement de la méthode ; elle est de nature éducative (ex-ducere, faire émerger) en ce sens qu’elle rappelle au sujet sa physiologie existentielle avec la nécessité de faire les bons choix pour sa sauvegarde. Cette phase est déjà en elle-même thérapeutique sans qu’il faille obligatoirement traiter du détail des évènements éprouvés.
Ce n’est qu’ensuite que viendra une éventuelle action thérapeutique spécifique, si nécessaire et souhaitée par le patient, à laquelle le thérapeute se sera formé et qui s’inscrit par définition dans la logique de sa propre personnalité… et c’est bien en cela qu’elle sera opérante, car résultant de la rencontre transactionnelle de ces deux êtres-là, avec leur personnalité concordante.
9. Les deux niveaux d’intervention thérapeutique de La TPC
- La pratique psycho-corporelle dite « TPC du corps-émotion »
a fonction de complément thérapeutique pour des professionnels de la santé (médecins somaticiens, autres professionnels de santé, etc…) à fins de sensibiliser leurs patients à la dimension émotionnelle de leur vécu corporel, sans action psychothérapeutique active autre que la référence au processus cybernétique « Insulaire ».
C’est donc l’outil thérapeutique préférentiel du somaticien qui cherche, par-delà le soin corporel, à reconnecter son patient à la dimension émotionnelle de son vécu corporel.
Cette phase spécifique de la TPC est donc déjà en soi thérapeutique et ceci à deux niveaux :
– elle permet à des patients (qui seraient dans le déni de cette intrication ou qui par peur refuseraient de l’aborder avec un psychothérapeute) de s’y ouvrir avec leur somaticien dans une étape qui est, en elle-même, fondatrice de toute thérapie : le constat de sa réalité psychique et somatique doit, en effet, d’abord être perçu avant que l’action thérapeutique puisse opérer.
– elle permet aussi, et surtout, à ces patients de retrouver leur dimension auto-équilibratrice innée, ce qui renforce progressivement leur confiance en eux et leur estime d’eux-mêmes.
Dans ce registre thérapeutique, le recours à des vécus sensoriels très primitifs, ceux vécus durant la phase pré verbale de l’individu, semblent être tout particulièrement performant pour la rééquilibration de l’individu, ceci par une forme de « reset » des capacités autoéquilibratrices innées qui permet progressivement de restituer des automatismes fonctionnels et métaboliques qui sont les plus à même à mener l’individu à l’essentiel de Soi.
Ainsi en est-il (mais les études en cours doivent encore le confirmer) des effets thérapeutiques liés à certains rythmes, vécus à tous les niveaux sensoriels, dont les sons et leurs effets harmonisants (bols « chantants », voix, vibrations diverses…), mais aussi les mouvements et autres massages rythmiques etc…
- La pratique psycho-corporelle dite « TPC globale »
constitue une profession à part entière, s’inscrivant elle aussi dans l’espace de la TPC du « corps-émotion », mais incluant l’action psychothérapeutique active, à divers niveaux d’intervention dans son éventail thérapeutique. Elle aussi comporte, au début de la prise en charge, l’étape du « corps-émotion » ; le thérapeute en TPC globale peut même parfois s’en tenir à la seule dimension thérapeutique de cette « sensibilisation au corps-émotion », mais il est formé pour entrer si nécessaire dans l’espace de la perlaboration qui appartient à la dimension de la psychothérapie active qu’elle soit cognitive, analytique, systémique ou humaniste ; le thérapeute portant en lui une compréhension et l’expérience des processus en jeu.
A noter que les notions de transfert, d’alliance, de résistance font partie et sont abordées avec le patient dans l’espace de la « TPC globale », alors qu’elles n’entrent pas dans le convenu des actions thérapeutiques de la « sensibilisation au corps-émotion ».
Se rappeler aussi que les processus de censure, même s’ils sont amoindris en état de vigilance paradoxale (transe méditative) qui accompagnent toutes les sensibilités pratiques de la TPC, persistent néanmoins toujours ; dans l’espace de la TPC « sensibilisation au corps-émotion » ; le thérapeute doit donc les respecter sans y confronter son patient. Ce n’est que dans l’espace de la « TPC globale active » que ces défenses feront l’objet d’une forme d’« interrogation » de la part du thérapeute.
Par contre, lorsque le phénomène vécu par le patient en séance s’avère mobiliser d’emblée la dimension respectueuse de l’« essentiel pour soi », ce choix favorable se verra confirmé comme vécu-ressource par le patient lui-même, constat renforcé par son thérapeute.
En conséquence de tout ce qui précède, il est évident que dans les deux espaces de la TPC, le travail sur soi (en éprouvé de son corps-émotion) et la supervision sont des dimensions incontournables pour tout thérapeute TPC.
10. Critères d’exigence pour la formation en TPC
Au terme de sa formation, le futur spécialiste TPC doit avoir répondu aux critères de formations ci-dessous :
- Avoir une culture médicale de base (formation en anatomie, physiologie, psychologie et neuro-développement, ainsi que dans leurs correspondances physio-, neuro- et psychopathologiques), lui donnant les moyens d’intégrer l’approche TPC dans la dynamique globale des soins, d’évaluer la situation psycho et somatique pour référer son patient, le cas échéant, à un médecin ou à un psychothérapeute, s’il n’a pas lui-même la compétence pour ce suivi.
- Avoir suivi un travail d’évolution personnel en vécu corporel à la technique TPC pour laquelle il se destine.
- Avoir été sensibilisé (voire davantage) aux volets communicationnels, éducatifs et thérapeutiques.
- Avoir réussi un contrôle de ses connaissances (en cours ou en fin de formation) ponctué par des examens et la soutenance d’un mémoire, ce qui permet d’obtenir le diplôme de spécialiste en TPC.
Une fois le diplôme professionnel acquis, une formation continue et une supervision doivent être instaurées et poursuivies durant toute la carrière thérapeutique du spécialiste TPC.
11. Durée des formations en TPC
a) Pour la TPC du corps-émotion
Étant donné qu’il s’agit d’un complément thérapeutique à l’usage des professionnels de soins, la formation devrait être au minimum de 150 heures présentielles (correspondant aux 15 crédits ECTS pour l’obtention d’un CAS), ponctuée par un contrôle des connaissances (voir point 5) pour obtenir un diplôme qui donne le « droit de pratique ».
Pré-requis pour cette catégorie de TPC :
Un diplôme officiel de professionnels de santé (médecins et autres professionnels de la santé) ou de de la relation d’aide (domaine social et éducatif)
b) Pour la TPC globale
En se conformant à ce qui se fait au niveau européen concernant les formations dans le domaine de la santé, l’ASTPC estime que, pour la TPC globale, il faut au minimum une formation correspondant à 3 ans à plein temps (soit un équivalent de 180 crédits ECTS), ponctuée par un contrôle des connaissances pour obtenir un diplôme qui donne le « droit de pratique » (voir point 5).
Pré-requis pour cette catégorie de TPC :
Un degré de formation permettant l’entrée à l’Université ou dans une HES.
12. Le droit de pratique et sa reconduite
Au terme de sa formation initiale, le candidat obtient un diplôme professionnel qui lui donne le droit de pratiquer son art à condition de suivre une supervision et une formation continue par des cours théorico-pratiques dans son approche TPC spécifique, étoffée par des cours dans des domaines proches de sa spécialité; ces deux conditions sont périodiquement contrôlées, ce qui permet au spécialiste d’obtenir la reconduite régulière de son droit de pratique.
Pendant les deux premières années de pratique, la formation continue doit être faite spécifiquement dans le domaine de sa propre approche TPC.
pour télécharger ce texte, cliquez sur :